J’écris par vengeance.
Ça a été le seul moyen de
casser la gueule à Florian. Il n’en a jamais rien su, mais je lui ai découpé
les organes et arraché les dents.
Le lendemain, le lever du jour
faisait une ligne turquoise sur la bordure des montagnes. Au-dessus, la nuit
passait au bleu de prusse, et j’ai regardé le turquoise prendre la maîtrise du
ciel. Alors il a fallu que je
prolonge l’instant et j’ai pris un stylo. Depuis, il continue de vibrer; c’est
un instant suspendu, dilaté comme une bulle.
Ce soir-là, on m’a demandé
pourquoi j’écrivais. J’ai parlé des auteurs que j’aime et des émotions
esthétiques. Exaltée, j’ai dit: “Le plaisir du rythme, des sonorités du texte,
n’a pas de concurrence.” Et j’ai réalisé que ma braguette était ouverte.
En rentrant, j’ai écrit
l’histoire de cet homme qui fait une déclaration d’amour avec du persil dans
les dents. Ça m’a fait rire; j’ai remercié cette conne de braguette.
Dehors, la lune avait une
drôle de couleur, les arbres craquaient dans le vent noir. Je suis sortie et
j’ai cherché les mots adéquats. C’est en les trouvant que j’ai accédé à cette
lune et ce vent-là.
En m’endormant enfin, je me
suis demandé ce qui valait la peine d’être dit. Mais, même si je me pose la
question, ce n’est pas là ce qui me pousse à écrire.
Imprimé dans LA PIJE (journal autour du PIJA), no 2, juillet 2012, numéro en partie dédié à la question "Pourquoi j'écris?".