05/11/2010

Irina Lang se marie

Ça a commencé à mon deuxième stage non-payé. Une sorte de légère fatigue. Jusque là, je n’étais pas comme ça, je vous assure. La vie était plus simple. Je dirais que j’étais intègre, voilà ce que je dirais.

La société est bien faite: une fois qu’on n’en peut plus de vivre les uns sur les autres dans nos colocations, qu’on est fatigués d’acheter des fringues à H&M, une fois qu’on s'est mis à rêver devant les lave-vaisselle de nos parents et qu’on a compris combien la résistance, la désobéissance, la révolte ou le désaccord, bref la liberté, avaient pour prix des appartements pourris et le mépris condescendant des régies, c’est là qu’on reçoit un job bien payé. Pas avant. On nous garde le plus longtemps possible la tête à peine au-dessus des flots, un peu suffoquants à la plus petite vague, et sitôt épuisés, c’est bon: on peut entrer dans le système. Moi, longtemps j’ai cru que je mourrais pour mes idées. Mon cul. On me menace de m’arracher un ongle, je trahis toute la Résistance.

Elle fronce les sourcils et les défronce, s’approche de la glace. En plus je vieillis. Une ride bien marquée, là, entre les sourcils. Elle la connaît bien cette ride, c’est pas le problème. C’est juste que ce jour-là précisément, on ne sait pas trop pourquoi, mais ce jour-là justement, elle est particulièrement désespérée de voir l’emprise ferme et définitive de cette ride entre ses sourcils.

Et dans une heure il sera là…

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