
30/10/2010
15/09/2010
Les jours ordinaires
Marc est accoudé contre le rebord de la fenêtre ; il regarde les nuages. C’est ce qu’il préfère, lorsqu’enfin le temps s’arrête et que les nuages prennent l’intérieur de sa tête. Il cesse de penser, ne participe plus. Il est ces nuages lourds, baladés dans un grand souffle. Plongé hors du temps, heureux.
Derrière lui, la porte claque. Il sursaute. Descend du ciel et retrouve son appartement, se retourne ; elle est en train de poser sa veste sur le porte-manteau. Elle s’approche. « Toujours dans les nuages ? » Il hoche la tête. Ils se sourient. Silencieux encore, il pose une main chaude sur sa joue à elle, qui est glacée : « Il fait froid…
-Oui… On ferme la fenêtre ? » Il s’éloigne un peu du rebord ; elle ferme la fenêtre.
« T’es prêt ?
-Quoi ? déjà ?
-On a rendez-vous à 19h...
-Ah, pardon, je croyais que c’était à 19h30… Je vais me laver les dents. » L’écarte un peu de lui. « Ça va, comme je suis ? » Elle le regarde, amoureuse, ses beaux yeux, la délicieuse, son beau regard qui le détaille : « T’es le plus beau, de toute façon…
-Non, mais comme je suis habillé, je veux dire… Je devrais mettre une chemise?
-Ah, mais non. J’aime bien ce t-shirt. » Et parce qu’il lui plaît tant, elle s’approche et l’enlace. Elle a dans les mains tout son torse fin, elle le respire. Après quelques secondes, il s’éloigne : « Faut que je me lave les dents, on va être en retard, je déteste ça. »
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Derrière lui, la porte claque. Il sursaute. Descend du ciel et retrouve son appartement, se retourne ; elle est en train de poser sa veste sur le porte-manteau. Elle s’approche. « Toujours dans les nuages ? » Il hoche la tête. Ils se sourient. Silencieux encore, il pose une main chaude sur sa joue à elle, qui est glacée : « Il fait froid…
-Oui… On ferme la fenêtre ? » Il s’éloigne un peu du rebord ; elle ferme la fenêtre.
« T’es prêt ?
-Quoi ? déjà ?
-On a rendez-vous à 19h...
-Ah, pardon, je croyais que c’était à 19h30… Je vais me laver les dents. » L’écarte un peu de lui. « Ça va, comme je suis ? » Elle le regarde, amoureuse, ses beaux yeux, la délicieuse, son beau regard qui le détaille : « T’es le plus beau, de toute façon…
-Non, mais comme je suis habillé, je veux dire… Je devrais mettre une chemise?
-Ah, mais non. J’aime bien ce t-shirt. » Et parce qu’il lui plaît tant, elle s’approche et l’enlace. Elle a dans les mains tout son torse fin, elle le respire. Après quelques secondes, il s’éloigne : « Faut que je me lave les dents, on va être en retard, je déteste ça. »
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14/09/2010
24/08/2010
25/06/2010
Là-bas... Les merveilleux nuages
Gilles a 8 ans et il se promène avec ses parents.
Gilles est amoureux de Marion, mais aujourd’hui ce n’est pas la question. Aujourd’hui est un dimanche, et Gilles ne voit pas Marion, les dimanches. Les dimanches, la famille de Gilles se promène. Ils marchent dans les rues de la ville. Les parents devant, Gilles et sa sœur derrière, un peu éloignés. Ils ne se parlent pas. La grande sœur se regarde dans les vitrines et s’arrête devant les magasins d’habits. Gilles, lui, rêvasse en regardant les nuages. Il pense à Marion. Parfois il ne pense à rien.
Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est Marion et les nuages. Marion parce qu’elle est jolie comme un sucre et puis parce qu’elle est maligne. Et les nuages, parce que quand il les regarde, le temps arrête de couler. Les yeux dans le ciel, Gilles est très loin, comme s’il flottait. Il se sent léger. Souvent il pense aux galaxies, aux étoiles, aux planètes. Souvent aussi, il ne pense pas.
Ce dimanche-là comme presque tous les dimanche, la famille de Gilles descend le grand boulevard qui va les amener à la rivière. Là-bas, ils vont manger une glace et peut-être que les parents de Gilles vont se disputer. Ce n’est pas encore sûr ; ils sont assez calmes aujourd’hui.
Mais ce jour-là, sur le boulevard qui descend jusqu’à la rivière, les parents s’arrêtent et se retournent sur le passage d’un vieil homme. La maman de Gilles a plissé son nez, son père écarquille les yeux. Le vieillard continue sa route et croise les enfants. Ceux-ci continuent de marcher, quelques pas, mais finalement ils s’arrêtent et se retournent eux aussi. C’est cette odeur abominable qui suit le vieil homme qui a arrêté la famille sur son passage.
Le pantalon du vieil homme est couvert de merde.
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Gilles est amoureux de Marion, mais aujourd’hui ce n’est pas la question. Aujourd’hui est un dimanche, et Gilles ne voit pas Marion, les dimanches. Les dimanches, la famille de Gilles se promène. Ils marchent dans les rues de la ville. Les parents devant, Gilles et sa sœur derrière, un peu éloignés. Ils ne se parlent pas. La grande sœur se regarde dans les vitrines et s’arrête devant les magasins d’habits. Gilles, lui, rêvasse en regardant les nuages. Il pense à Marion. Parfois il ne pense à rien.
Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est Marion et les nuages. Marion parce qu’elle est jolie comme un sucre et puis parce qu’elle est maligne. Et les nuages, parce que quand il les regarde, le temps arrête de couler. Les yeux dans le ciel, Gilles est très loin, comme s’il flottait. Il se sent léger. Souvent il pense aux galaxies, aux étoiles, aux planètes. Souvent aussi, il ne pense pas.
Ce dimanche-là comme presque tous les dimanche, la famille de Gilles descend le grand boulevard qui va les amener à la rivière. Là-bas, ils vont manger une glace et peut-être que les parents de Gilles vont se disputer. Ce n’est pas encore sûr ; ils sont assez calmes aujourd’hui.
Mais ce jour-là, sur le boulevard qui descend jusqu’à la rivière, les parents s’arrêtent et se retournent sur le passage d’un vieil homme. La maman de Gilles a plissé son nez, son père écarquille les yeux. Le vieillard continue sa route et croise les enfants. Ceux-ci continuent de marcher, quelques pas, mais finalement ils s’arrêtent et se retournent eux aussi. C’est cette odeur abominable qui suit le vieil homme qui a arrêté la famille sur son passage.
Le pantalon du vieil homme est couvert de merde.
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25/04/2010
Son prénom c'est Bonnie
Je déteste cette ville. Je hais sa gare, grisaille et béton, je déteste sortir de la gare et voir se dresser l’énorme centre commercial, blanc, un mur de blancheur imbécile à la suite de l’imbécile laideur de la gare, et l’horizon bouché, et le commerce qui pousse ses dents acérées, qui se propose comme centre de socialisation pour pauvres ados que leurs parents ne savent plus où caser. Je hais les paysages médiocres que font leurs immeubles, petits rectangles tristes posés là comme des culs bavards. Ce n’est partout qu’imbécile béton, voitures niaises, propreté de nantis dans le moche à l’infini et infini. (En plus ils font en sorte que cela dure.)
Mais c’est ici que je travaille, c’est ici que je mange. Alors je sors de chez moi et je marche à petits talons pressés sur le tapis gris qui recouvre la ville, et je la vois. Je ne peux pas marcher les yeux fermés, vous admettrez.
Je suis institutrice. Ça vous amuse ? Je fais institutrice, voilà ce qu’il faudrait dire. Je fais ce que je fais parce qu’il faut bien faire quelque chose. Le plus beau métier du monde, qu’ils disent. Moi j’apprends le français aux petits étrangers. Ils s’appellent Da Silva, Innocent, Rhinaldo. Ils ont l’œil délicieux de leur âge et ils ne savent pas encore très bien le français. Quand ils jacassent dans leur langue, c’est un petit ruisseau fluide ; en français ils sont encore tout empêtrés et ils ont un accent. Certains ont l’accent si joli que j’aimerais que jamais ils ne le perdent. Mais ils grandissent, ils perdent leur accent et bientôt ils sauront qu’ils sont étrangers. Mais non, pourtant, ils ne sont pas étrangers. C’est l’utilisation du verbe être qui posent tant de problèmes ; reconsidérons le verbe être et nos ennuis disparaîtront. Je fais institutrice et ils sont des individus de petite taille qui viennent d’ailleurs.
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Mais c’est ici que je travaille, c’est ici que je mange. Alors je sors de chez moi et je marche à petits talons pressés sur le tapis gris qui recouvre la ville, et je la vois. Je ne peux pas marcher les yeux fermés, vous admettrez.
Je suis institutrice. Ça vous amuse ? Je fais institutrice, voilà ce qu’il faudrait dire. Je fais ce que je fais parce qu’il faut bien faire quelque chose. Le plus beau métier du monde, qu’ils disent. Moi j’apprends le français aux petits étrangers. Ils s’appellent Da Silva, Innocent, Rhinaldo. Ils ont l’œil délicieux de leur âge et ils ne savent pas encore très bien le français. Quand ils jacassent dans leur langue, c’est un petit ruisseau fluide ; en français ils sont encore tout empêtrés et ils ont un accent. Certains ont l’accent si joli que j’aimerais que jamais ils ne le perdent. Mais ils grandissent, ils perdent leur accent et bientôt ils sauront qu’ils sont étrangers. Mais non, pourtant, ils ne sont pas étrangers. C’est l’utilisation du verbe être qui posent tant de problèmes ; reconsidérons le verbe être et nos ennuis disparaîtront. Je fais institutrice et ils sont des individus de petite taille qui viennent d’ailleurs.
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04/04/2010
Pour rien
J’ai la gueule de bois, j’ai les dents sales et le bus arrive dans 9 minutes. Je le sais parce que c’est le même bus que j’avais pris la dernière fois. Il peut se passer un milliard de choses en 9 minutes. Une bombe peut exploser, un enfant naître, un piéton se faire écraser. Moi j’ai rencontré une petite vieille ce jour-là, pendant ces 9 minutes d’attente, suspendues dans le vide, qui étaient 9 minutes offertes. C’est une aventure bien banale, de rencontrer une petite vieille, ça peut arriver à n’importe qui n’importe quand. D’ailleurs, ça arrive n’importe quand à n’importe qui.
Je suis assise sur ce banc, à l’arrêt de bus et je regarde en face de moi les immeubles comme des champignons rectangulaires, leur couleur improbable, une ménagère qui secoue un tapis à la fenêtre ; un chat m’observe, son air souriant de matou, presque suspendu au-dessus du vide. Je regarde le chat, la tête levée, je lui souris comme il me semble qu’il sourit. (Les chats ont toujours l’air de sourire, mais ça a déjà été thématisé.) Je lui fais donc un sourire de politesse. Je dis, toujours polie : « Minou minou »… Il continue de me regarder, sans réagir. Je me sens tout à fait ridiculisée. Pour me donner une contenance, je sors de la poche de ma veste mon paquet de cigarettes et je m’en allume une. L’alcool, l’excès de tabac, le manque de sommeil, cet épuisement fétide des lendemains, tout cela rappelé en vrac par cette bouffée de clope. J’écrase ma cigarette. Je ne fais plus rien. Pendant un instant, je me concentre sur cela, sur cette impression de puanteur. Assise sur le banc en métal, sur le trottoir gris, sous un ciel terne avec pour tout horizon un immeuble rose pisse (si si, rose pisse. Pas pisseux, non. Pisse.), je recommence à attendre le bus. Tout à fait figée à présent, j’ai donc le rose pisse d’en face qui me rentre dans la rétine et je m’interroge. Comment fait-on cette couleur ? Est-ce là la patine de l’âge, la marque de noblesse des hlm ? Le rose retrouvant une sorte de couleur des origines, l’idée originelle ? jaune pisse, bleu pisse. Quand on les rénove, leurs façades sont criantes, elles hurlent des couleurs infectes, sensées égayer le paysage et ses habitants. On prend les gens pour des attardés, c’est sûr. J’ai envie de prendre un bain.
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Je suis assise sur ce banc, à l’arrêt de bus et je regarde en face de moi les immeubles comme des champignons rectangulaires, leur couleur improbable, une ménagère qui secoue un tapis à la fenêtre ; un chat m’observe, son air souriant de matou, presque suspendu au-dessus du vide. Je regarde le chat, la tête levée, je lui souris comme il me semble qu’il sourit. (Les chats ont toujours l’air de sourire, mais ça a déjà été thématisé.) Je lui fais donc un sourire de politesse. Je dis, toujours polie : « Minou minou »… Il continue de me regarder, sans réagir. Je me sens tout à fait ridiculisée. Pour me donner une contenance, je sors de la poche de ma veste mon paquet de cigarettes et je m’en allume une. L’alcool, l’excès de tabac, le manque de sommeil, cet épuisement fétide des lendemains, tout cela rappelé en vrac par cette bouffée de clope. J’écrase ma cigarette. Je ne fais plus rien. Pendant un instant, je me concentre sur cela, sur cette impression de puanteur. Assise sur le banc en métal, sur le trottoir gris, sous un ciel terne avec pour tout horizon un immeuble rose pisse (si si, rose pisse. Pas pisseux, non. Pisse.), je recommence à attendre le bus. Tout à fait figée à présent, j’ai donc le rose pisse d’en face qui me rentre dans la rétine et je m’interroge. Comment fait-on cette couleur ? Est-ce là la patine de l’âge, la marque de noblesse des hlm ? Le rose retrouvant une sorte de couleur des origines, l’idée originelle ? jaune pisse, bleu pisse. Quand on les rénove, leurs façades sont criantes, elles hurlent des couleurs infectes, sensées égayer le paysage et ses habitants. On prend les gens pour des attardés, c’est sûr. J’ai envie de prendre un bain.
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